Au niveau international, les initiatives volontaires des investisseurs (Montreal Carbon Pledge, Portfolio Decarbonisation Coalition, Natural Capital Declaration, …) se multiplient pour affirmer le rôle « capital » qu’ont les investisseurs dans la mise en œuvre de la transition environnementale. En France, pour ne faire mentir notre tradition « réglementaire », un article de la loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte va même rendre obligatoire la mesure de l’empreinte carbone des investissements dans une logique de compatibilité avec l’objectif de réchauffement limité à 2°C.
Quel peut-être l’impact réel de telles initiatives ? Au-delà de l’effet d’affichage, il nous semble capital que cette dynamique ait un effet positif pour l’environnement et pour le financement de l’activité économique.
En effet, la solution de facilité qui semble aujourd’hui adoptée par un certain nombre d’acteurs pour consiste en la mise en place d’un reporting sur l’empreinte carbone d’un portefeuille avec des outils qui peuvent être limités…. Il faut ainsi rappeler que la comptabilisation des émissions des entreprises sur le scope 1 et 2 (émissions « directes »), si elle est additive, ne renseigne en rien sur l’impact réel des entreprises sur le changement climatique. Si on veut réellement évaluer la performance relative des activités financées, il faut à minima intégrer le scope 3 (les émissions en amont et en aval si pertinent), voire les émissions évitées par rapport à des scénarios de référence.
Il serait à notre sens dommage, voire même « dangereux » (risque de réputation) pour les investisseurs de s’arrêter à des solutions bancales, dans la mesure où les parties prenantes « sachantes (ONG, …) » ne s’en satisferont pas, et où les méthodologies sont potentiellement disponibles pour aller plus loin, sur le carbone mais aussi sur les autres enjeux environnementaux.
Si on prend un peu de recul, il nous semble qu’il y a 2 approches qu’il faut distinguer pour un investisseur qui souhaiterait prendre en compte des critères environnementaux :
- Une approche « investissement responsable» : cette approche se base sur la mise en œuvre de recommandations et méthodologies « potentiellement » bénéfiques pour l’environnement
- elle peut être mono-critère ou sur un périmètre limité si les outils de place sont mono-critères (ex : reporting carbone des portefeuilles),
- elle n’est pas forcément holistique dans le sens où elle ne garantit pas d’orienter les investissements vers un bénéfice global pour l’environnement.
- Une approche « investissement durable »: cette approche vise à un double bénéfice environnemental et financier en pariant sur le fait que les risques et opportunités liés aux problématiques environnementales sont devenus des drivers significatifs de valorisation
- elle implique de dépasser l’enjeu GES car il n’est pas le seul enjeu environnemental significatif pour les entreprises,
- elle implique de définir des référentiels sectoriels pour analyser les risques business de manière pertinente.
Pour prendre un exemple récent, si la première approche aurait abouti à rendre compte de des émissions directes de GES des usines de Volkswagen (ce qui a peu d’intérêt…), la deuxième approche aurait permis d’identifier le risque financier qu’impliquait l’écart croissant entre la réalité des émissions de polluants et le cycle réglementaire d’homologation des constructeurs automobiles européens, poussées par la pression à la baisse sur les émissions de GES… Pour un investisseur, il me semble que le challenge d’une approche d’investissement réellement durable mérite d’être relevé.