Les collectivités : parties prenantes de premier plan de la lutte contre le changement climatique
Le mouvement des 700 maires affirmant l’engagement des acteurs locaux lors de la COP 21 illustre un déterminant de plus en plus important dans le contexte des négociations internationales : les collectivités prennent leur place, incontournable, dans la lutte contre le changement climatique.
Tout d’abord, si le réchauffement climatique est global, c’est bien au niveau local que ses impacts se feront sentir : vagues de chaleur, inondations, perturbation des activités industrielles et logistiques…
Par ailleurs, les collectivités participent de manière différenciée aux altérations du climat et à ses conséquences : 75% des émissions mondiales de gaz à effet de serre proviennent des villes et aires urbaines[1].
Dans ce contexte, la mise en place de mesures d’atténuation et d’adaptation à l’échelle locale apparaît cruciale.
Des engagements, des méthodes, des méthodes, des méthodes…
Face à ce constat et pour répondre aux besoins méthodologiques, de nombreux « outils » (référentiels, labels, méthodes…) de planification territoriale énergie-climat ont été développés, dès les années 1990. I Care & Consult, dans une étude récente pour le compte de l’ADEME, en a analysé une soixantaine[2]. Par ailleurs l’adhésion des autorités locales à l’un (voire souvent plusieurs) de ces référentiels est en progression constante : plus de 500 PCET en France, 6 600 villes ou régions européennes engagées dans le PAED de la Convention des Maires, 1 300 municipalités participant au réseau EEA, 1 000 collectivités adhérant au réseau ICLEI, 360 villes engagées dans le Compact of Mayors…
La multiplicité de ces outils territoriaux pose différents types de difficultés aux acteurs locaux : à titre d’illustration, pour le seul sujet du diagnostic / état initial, l’hétérogénéité des principes de calculs (énergie ou GES) oblige les services à d’épuisants travaux d’harmonisation, rapprochements comptables… La volonté de se conformer à plusieurs référentiels pour être exemplaire (mais également assurer une éligibilité à certaines subventions) peut également entraîner des problèmes de gouvernance, les lignes directrices de différentes méthodes présentant également une hétérogénéité sur ce point particulier.
Par ailleurs, dans les pays émergents ou en développement, beaucoup de ces méthodes s’avèrent trop complexes et peu appropriées aux compétences locales, limitant ainsi leur efficacité.
Enfin, au-delà des confusions générées par la diversité des méthodes, il a été relevé que si les outils existants permettent un meilleur engagement politique et la définition d’enjeux plus précis, ils restent largement insuffisants pour réussir l’intégration au quotidien des enjeux climatiques dans les différents services d’une collectivité et dans ses actions opérationnelles.
Vers une convergence des méthodes ?
Une harmonisation des référentiels de planification territoriale climat / énergie apparaît aujourd’hui nécessaire et urgente : d’une part afin de garantir un cadre stabilisé aux collectivités, d’autre part pour fournir une visibilité aux parties prenantes de la transition (bailleurs, entreprise, ONG…) à l’échelle du territoire.
Au-delà de ce besoin de convergence des méthodes, il s’avère également crucial de réfléchir au moyen de faire émerger et de renforcer la « culture climat » au sein des collectivités, cette vision commune nécessaire à la concrétisation des stratégie
s environnementales locales. Les initiatives présentées lors de la COP21 en particulier peuvent le faire espérer. En témoigne par exemple le partenariat annoncé entre la Convention des Maires et le Compact of Mayor. Ce partenariat pourrait être le début d’une convergence entre les deux référentiels portés par ces dispositifs (« Plan d’action pour l’énergie durable » vs. outils produits par l’association ICLEI) : il pourrait déboucher à terme sur un « standard » international, composé de lignes directrices et d’outils ad hoc, reconnus et largement diffusés.
Cependant si les problématiques méthodologiques représentent un obstacle surmontable, les enjeux de positionnement et d’influence pourraient constituer un frein significatif à ce mouvement (chaque porteur de méthode ou de label souhaitant conserver sa « marque »). Gageons que les pratiques des collectivités elles-mêmes, les initiatives des bailleurs (ex. : objectif de l’AFD de soutenir et mettre en œuvre « 100 projets urbains résilients » dans les pays en voie de développement d’ici à 2020), les travaux menés par les experts (chercheurs, cabinets de conseil, ONG…) viennent accélérer le mouvement et contribuer à cette convergence.
Auteurs : Charlotte Raymond, Marie Rouaux, Boris Bailly, I Care & Consult
[1] IPCC (2014), Climate Change 2014 : Synthesis Report, IPCC, Geneva
[2] Il peut s’agir de méthodes portées dans un cadre national, comme le PCET français, ou par des réseaux internationaux tels que la Convention des Maires, le Compact of Mayor, ICLEI ou C40…