Qualité de l’Air : pour une réelle intégration de l’enjeu dans le cadre de la mise en œuvre de la LTE

Qualité de l’Air : pour une réelle intégration de l’enjeu dans le cadre de la mise en œuvre de la LTE

Source ADEME (www.ademe.fr)

Retour vers le futur

Cette année 2015 nous a rappelé que les politiques menées en France ces dix dernières années se sont surtout focalisées sur la lutte contre le réchauffement climatique et ses impacts à long termes. Ce constat est particulièrement prégnant à la lumière des évènements de l’année 2015, rythmés par la volonté de la France d’afficher son exemplarité pour le climat en amont de la COP 21 : la présentation des 212 lauréats de l’appel à projets « Territoires à énergie positive pour la croissance verte » (TEPCV), le débat et l’adoption de la Loi de Transition Energétique (LTE) le 17 août 2015, ou encore la présentation de la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) le 18 novembre 2015 en témoignent.

La consistance et l’ambition de la politique française pour lutter contre le réchauffement climatique peuvent cependant être mises en perspective avec l’instabilité des dispositifs et outils permettant de lutter contre la pollution atmosphérique et l’exposition chronique des populations à des enjeux sanitaires avérés à court termes, allant bien au-delà d’une exposition médiatique accordées seulement aux pics de pollution. Cette instabilité entraine une difficulté à imposer une volonté stratégique et intégratrice permettant de lutter efficacement à tous les échelons territoriaux. Le récent rapport d’enquête « Les politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air » demandé par le Comité d’Evaluation et de Contrôle des politiques publiques de l’Assemblée Nationale, publié en décembre 2015, permet d’en préciser les principaux griefs.

L’évaluation du CEC : de la pertinence de l’analyse à l’action ?

Au niveau national, le Plan de Réduction des Emissions de Polluants Atmosphériques (PREPA 2) actuellement en phase de consultation et qui doit permettre de présenter les actions destinées à respecter les plafonds d’émissions de plusieurs polluants (conformément aux exigences de la directive NEC) accuse un retard de près de 5 ans dans sa mise à jour. De la même manière, le Plan Particules et le Plan d’Urgence pour la Qualité de l’Air (PUQA), publiés respectivement en 2010 et 2013 par le MEDDE, ont été élaborés en « urgence » suite à des injonctions et mises en cause de la Commission Européenne, sans réelle mise en cohérence, articulation et cadencement des calendriers nationaux avec les calendriers d’élaboration des politiques locales (SRCAE, PCET, PPA…) et déconnecté des enjeux sanitaires traités par le Plan National Santé Environnement. Il en est de même pour les outils associés tels que l’Inventaire National Spatialisé, outil ambitieux et pertinent mais qui accuse un retard préjudiciable à l’élaboration de ces politiques. Enfin, « ces plans spécifiques à la qualité de l’air ne sont jamais évalués a posteriori » rappelle la Cour des Comptes dans son rapport : une amélioration substantielle peut ainsi être apportée à ces politiques, au niveau national et local, avec des outils et méthodologies d’évaluation intégrant les enjeux socio-économique et sanitaires.

Au niveau local, les Plans de Protection de l’Atmosphère (PPA), outils pertinents mais aux moyens limités, sont les seuls outils disponibles à l’heure actuelle pour élaborer, impliquer, mettre en œuvre, suivre et évaluer des mesures (principalement réglementaires ou incitatives), permettant de lutter localement contre la pollution atmosphérique. En effet, les autres dispositifs, non spécifiques à la lutte contre la pollution atmosphérique, n’ont jamais permis une réelle intégration des enjeux liés à la pollution de l’air au-delà d’orientations peu opérationnelles. C’est notamment le cas des Plans Climat Energie Territoriaux (PCET), qui se sont concentrés explicitement sur la question des émissions de gaz à effet de serre, ou encore des Schéma Régionaux Climat Air Energie (SRCAE) dont la composante « air » pouvait s’apparenter au « parent pauvre » de ce document d’orientation. Enfin, le dispositif phare du Plan Particules, adopté en 2010, et intitulé la Zone d’Action Prioritaire pour l’Air (ZAPA), qui devait permettre l’interdiction ou la restriction d’accès aux véhicules les plus polluants, n’a finalement jamais été déployé sur le terrain malgré la présence encourageante et le retour d’expérience de plus de 170 Low Emissions Zones, dispositif équivalent déployé depuis de nombreuses années dans la plupart des métropoles Européennes.

Dans une volonté d’intégration et de prise en compte de l’ensemble des efforts consentis et à consentir par les secteurs émetteurs (Industrie, Transport, Résidentiel-Tertiaire…) le secteur agricole doit aujourd’hui être intégré dans les faits et contribuer et manière effective aux efforts de réduction de ses émissions, d’ammoniac, de particules mais également de pesticides, comme mentionné de manière plus que pertinente dans les recommandations de la Cour des Comptes.

La LTE : vers de nouveaux leviers d’actions ?

Dans ce contexte, l’intégration de mesures de planification relatives à la qualité de l’air dans la loi de Transition Energétique (LTE) doit être perçue comme un point positif et encourageant pour une meilleure articulation des problématiques « air » et « climat ». Cette loi prévoit en effet l’adoption de plusieurs mesures phares, dont :

  • Article 64. L’adoption du PREPA 2 au plus tard le 30 juin 2016 permettant de fixer des objectifs nationaux de réduction des émissions de polluants atmosphériques pour les années 2020, 2025 et 2030 ;
  • Article 48. La possibilité de créer des zones à circulation restreinte (ZCR) dans les agglomérations et les zones pour lesquelles un plan de protection de l’atmosphère est adopté ;
  • Article 66. La prise en compte de la qualité de l’air dans le cadre des Plans Climat-Air-Energie Territoriaux (PCAET).

Cette interconnexion des trois enjeux, climat, air et énergie semble aujourd’hui acté via l’intégration directe de la qualité de l’air dans la LTE. Afin de traduire sur le terrain cette orientation, plusieurs actions doivent à notre sens être engagées :

  • Assurer une réelle intégration de la qualité de l’air dans les PCAETs, afin d’éviter une simple juxtaposition de la problématique comme ce fut le cas dans le cadre des SRCAEs ;
  • Vérifier la possibilité de décliner de manière opérationnelle ces dispositifs, via notamment la clarification rapide des responsabilités entre l’Etat et les collectivités territoriales pour l’application des mesures. En effet, l’interdiction des feux de cheminées en foyer ouvert à Paris (mesure n°3 du PPA d’Île-de-France), ou encore la mise en place de la circulation alternée en cas de pic de pollution à Paris, ont fait l’objet de débats complexes entre le Ministère et les collectivités territoriales, se traduisant par un affaiblissement de la crédibilité des parties prenantes et de leur volonté de lutter efficacement contre la pollution atmosphérique ;
  • Poursuivre les efforts initiés ces dernières années auprès des Collectivités à travers les dynamiques d’appel à projet (AACT’Air, Villes Respirables…) permettant d’engager localement des politiques volontaristes probantes.

Un dernier point de vigilance : le Schéma Régional Biomasse

Ces points de vigilance semblent d’autant plus justifiés au regard de la formulation de l’article 197 de la LTE, qui prévoit l’élaboration d’un Schéma Régional Biomasse dans les dix-huit mois suivant la promulgation de la LTE (soit avant le mois de janvier 2017) avec pour but de fixer des objectifs de développement de l’énergie biomasse, incluant les sous-produits et déchets dans une logique d’économie circulaire. Ce Schéma Régional Biomasse « veille à atteindre le bon équilibre régional et la bonne articulation des différents usages du bois afin d’optimiser l’utilisation de la ressource dans la lutte contre le changement climatique ».

Aurait-on perdu la qualité de l’air en route ? Au regard des liens existants entre la production d’énergie à base de biomasse et la problématique de qualité de l’air, il est regrettable que cette dernière ne soit pas présente dans l’article dédié au Schéma Régional Biomasse.

Depuis plusieurs années, de nombreuses études et opérations exemplaires ont été menées en France afin d’étudier et de démontrer la pertinence de certains dispositifs ; à titre indicatif, l’ADEME a publié récemment deux rapports illustrant cette volonté d’approfondir cette thématique, « Elaboration d’un plan d’actions pour réduire les émissions de particules liées au chauffage au bois individuel et au brûlage à l’air libre des déchets verts » (2015), et « Installations de valorisation de biogaz : Etat des connaissances des impacts sur la qualité de l’air et des émissions de gaz à effet de serre des installations de valorisation ou de production de méthane » (2015). Le croisement des enjeux « biomasse » et « qualité de l’air » fait donc aujourd’hui l’objet d’un retour d’expérience poussé qu’il convient de prendre en compte dans le cadre des futurs Schémas Régionaux Biomasse.

Il serait à notre sens dommage, voire même risqué pour l’Etat qui se trouve toujours en procédure de contentieux(1) avec l’Union Européenne, de ne pas s’assurer d’une bonne prise en compte et intégration de l’enjeu qualité de l’air dans le cadre de l’élaboration des Schémas Régionaux Biomasse, et de manière plus générale dans la mise en œuvre des orientations de la LTE.

(1) Pour rappel, le montant de l’amende pour le seul contentieux « particules », pourrait s’élever à 100 M€ par an tant que des dépassements seront observés, tandis que le contentieux sur le dioxyde d’azote pourrait se traduire par une amende supérieure à 100 M€

Auteurs : Léo Genin et Benoît Bulliot, I Care & Consult

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