Contenu CO2 de l’électricité : quelles méthodes pour quels objectifs ?

Contenu CO2 de l’électricité : quelles méthodes pour quels objectifs ?

L’évaluation de l’impact d’une variation du système électrique sur les émissions de GES est particulièrement complexe en raison du caractère dynamique du système électrique ainsi que de la grande variabilité en France de l’intensité carbone des moyens de production (de la filière nucléaire à la filière charbon).

Pour rappel, voici les différentes méthodes pouvant être envisagées (cf. travaux menés depuis 2012 par le Groupe de Travail sur le facteur d’émission de l’électricité mené par l’ADEME dans le cadre de la Base Carbone avec les principales parties prenantes concernées : électriciens, RTE, DGEC, …) :

  • La méthode dite du « facteur d’émission moyen». Cette méthode est la méthode existante et historique « par défaut » actuellement mise à disposition par l’ADEME: elle consiste à utiliser un facteur d’émission moyen national de l’électricité (ce facteur « moyen » existe aussi par usage). Cette méthode permet « d’attribuer » à chaque acteur français sa « quote-part » des émissions nationales et permet d’effectuer un bilan (c’est pourquoi c’est la méthode retenue pour les bilans GES réglementaires). Néanmoins, cette méthode n’est pas adaptée pour évaluer correctement l’impact d’un plan d’actions : elle ne prend pas en compte le fait que la modification de la courbe de consommation ou du parc de production modifie la structure du mix énergétique lui-même, et donc le contenu CO2 moyen du kWh.
  • La méthode dite «  marginale  » : cette méthode a fait l’objet en 2007 d’une publication ADEME-RTE mais n’est plus actuellement portée institutionnellement bien qu’encore employée par certains acteurs indépendants. Cette méthode repose sur les principes d’optimisation du parc de production électrique (principes du « merit order ») : à chaque moment, une modification à la hausse (ou à la baisse) de la consommation entraine une hausse (une baisse) de la production du moyen dit « marginal », c’est-à-dire du moyen disponible à moindre coût à cet instant : les moyens de production peuvent ainsi être classés du moins coûteux au plus coûteux (coût variable de production), c’est ce qu’on appelle le « merit order ». Si on considère le facteur d’émission du moyen de production marginal, on parle ainsi du contenu marginal en CO2 de l’électricité. En 2007, RTE et l’ADEME communiquaient des valeurs marginales comprises entre 450 g CO2/kWh (pour les usages en base) et 700g CO2/kWh (pour les usages en pointe). Cette méthode est adaptée au raisonnement conséquentiel de modification de production ou de modification de la consommation, et donc à l’évaluation de l’impact d’actions sur le système électrique, mais ce raisonnement est valable à la marge: les actions qui auraient un impact très important (ex : modification significative du parc nucléaire, nouvel usage comme le véhicule électrique), et qui modifieraient significativement l’empilement des moyens de production ne peuvent être évaluées avec cette méthode.
  • La méthode dite « incrémentale »: cette méthode n’a pas fait l’objet de publication officielle de la part de l’ADEME mais a fait l’objet de propositions diverses des énergéticiens et associations professionnelles. Elle repose sur l’idée que pour certaines actions structurantes, un raisonnement « à la marge » (notion mathématique de valeur dérivée du contenu CO2 du kWh) n’est plus valable, et qu’il faut dans ce cas utiliser la comparaison de 2 scénarios d’équilibre offre / demande (le scénario sans action et le scénario avec action) et de comparer les émissions de GES associées à ces 2 scénarios. La valeur résultante de cette méthode est fonction de l’ampleur de la modification du système (à la hausse ou à la baisse, en énergie et en puissance). Cette méthode, qui est la plus complexe mais aussi la plus juste de manière théorique, devra donc être utilisée quand la méthode marginale sort de son domaine de validité.

Dans l’objectif d’évaluer l’impact GES de politiques publiques qui visent à modifier de manière significative la production ou la consommation d’électricité, le recours à la méthode dite « moyenne » n’est pas pertinent. Du point de vue théorique, c’est la méthode incrémentale qui parait la plus juste et la plus adaptée, mais elle a le défaut de ne pas avoir encore été définie et mise en œuvre au niveau national.

Dans ce contexte, et en attendant la définition d’une méthode nationale incrémentale qui pourrait faire consensus, I Care Environnement a développé sa propre méthode à partir, d’une part d’une analyse approfondie de la littérature, d’autre part de sa propre expertise sur le fonctionnement des réseaux électrique, et enfin à partir des données mises à disposition publiquement : cette méthode est appelée « méthode incrémentale simplifiée par période ».

La création de cette méthode répond à plusieurs objectifs :

  • Etre suffisamment simple pour pouvoir être expliquée de manière pédagogique et comprise par le plus grand nombre
  • Reposer sur un modèle excel explicite relié à des données disponibles
  • Prendre en compte les différents régimes du système électrique français
  • Prendre en compte les problématiques de « merit order »
  • Ne pas être lié à des usages prédéfinis qui empêchent de prendre en compte les actions de modification d’usage
  • Ne pas fournir des facteurs d’émission liés à des actions prédéfinies afin de pouvoir prendre en compte l’ensemble des actions possibles
  • Proposer un compromis entre les approches « court-terme » et les approches « long-terme »

Au-delà de cette méthode expérimentale développée pour ses projets, I Care souhaite que les pouvoirs publics définissent des méthodes alternatives à la méthode moyenne afin de pouvoir évaluer plus sereinement les impacts des politiques publiques.

 

Auteur : Guillaume Neveux, I Care & Consult

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