La France est-elle « alignée » sur sa trajectoire bas carbone ?

A l’heure où la France actualise son Plan Climat, comment s’assurer que les mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre engagées aujourd’hui ou envisagées, permettront en 2050 d’être au niveau « facteur 4 » ? Ces mesures, rassemblées dans la stratégie nationale bas-carbone (SNBC)[1], « suggèrent » un scénario, dont la modélisation est régulièrement mise à jour par la DGEC et des comités d’expert afin de vérifier la bonne trajectoire carbone de la France par rapport à son engagement long terme.

En 2016, l’ADEME a souhaité examiner à nouveau la méthode et les résultats de cette modélisation, avec une question sous-jacente, très simple, qui peut être formulée ainsi : « la France est-elle alignée avec la trajectoire d’atteinte du facteur 4 en 2050 ? ».

I Care a piloté ce travail, avec le soutien d’Energies demain et Enerdata. Voici ce qui peut être retenu en synthèse (téléchargez la synthèse de l’étude) :

  • Le scénario analysé (intitulé « Avec Mesures Supplémentaires 2 ») ne permet pas d’atteindre le facteur 4: plusieurs objectifs de gains ne sont pas assortis de mesures (ex. : augmentation du taux d’occupation des véhicules) et plusieurs mesures ont fait l’objet d’hypothèses de réalisation (et donc d’estimation de gains) trop « optimistes » (ex : déploiement des pompes à chaleur).
  • Par ailleurs, l’actualité récente a montré que la direction prise par les pouvoirs publics sur certains points n’était pas en phase avec les recommandations de la SNBC. Des mesures dont l’étude a pu souligner le caractère essentiel sont aujourd’hui malheureusement hypothétiques et en retard sur le calendrier prévu (cf. Projet de loi de finance 2018) :
  • Augmentation du fonds chaleur (qui aurait dû avoir lieu en 2016) ;
  • Décret sur la rénovation des bâtiments tertiaires suspendu par le conseil d’Etat ;

Le retard pris sur ces mesures très structurantes, dans un contexte actuel de prix bas des énergies fossiles peu favorable aux technologies bas-carbone, fait dévier chaque jour un peu plus la France de sa trajectoire.

  • Dans ce contexte, la composante carbone des taxes intérieures de consommation (souvent dénommée « taxe carbone ») constitue un outil incontournable pour atteindre les engagements, dans la mesure où elle permet d’orienter les comportements des acteurs dans leurs choix de consommation d’une part, d’améliorer la rentabilité des projets bas carbone d’autre part (ce qui permet de « sortir » des projets à moindre coût de soutien pour l’Etat). A elle seule, la composante carbone permet d’actionner de nombreux leviers :
  • Non visés par des mesures concrètes (objectifs sans mesure associée) ;
  • En retard par rapport au calendrier envisagé (difficultés dans le processus d’adoption législative, choix politiques…) ;
  • Dont l’impact est aujourd’hui insuffisant (ex. : effet rebond, rénovations moins performantes qu’attendues…).

[encadre]

Quelle méthodologie appliquée ?

Cette étude propose une analyse approfondie des mesures de politiques publiques supposées permettre la réalisation des objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone (scénario « avec mesures supplémentaires 2 », ou « AMS2 »). Elle est basée sur un questionnement systématique :

  • Du réalisme des gains (de consommation d’énergie, d’émissions de GES…) de certaines mesures ;
  • Des mesures elles-mêmes, certaines relevant plutôt d’un objectif que d’un dispositif (ex. : développement de l’éco-conduite, diffusion de l’agroforesterie, installation de méthaniseurs).

Cette analyse génère donc mécaniquement une « augmentation » des émissions anticipées (cf. graphique, horizon est à 2030).

Ce travail a ainsi permis de montrer que, si la SNBC fournit une feuille de route de ce qui devra être réalisé pour atteindre les objectifs fixés, elle ne donne pas toujours de directions en termes de politiques publiques à mettre en place pour que cette feuille de route soit suivie.

A la suite de cette analyse et après consultation d’un grand nombre d’experts de l’ensemble des secteurs considérés, I Care a proposé un « paquet de mesures » supplémentaires qui permettrait au scénario analysé de renouer avec les objectifs fixés par la SNBC en termes d’émissions (AMS2+).

Les 18 mesures à plus fort impact ont fait l’objet d’un chiffrage des gains engendrés : celles-ci, combinées aux politiques existantes et prévues par la SNBC, permettent bien de repositionner la France sur la trajectoire facteur 4. L’enjeu principal aujourd’hui réside bien dans la mise en place des mesures proposées par cette étude, mais également des mesures déjà proposées dans le cadre de la SNBC.

[/encadre]

[1] Cette stratégie est établie par le Ministère de la Transition écologique et solidaire.

Menu Principal