Mieux évaluer les sols pour limiter l’artificialisation

Mieux évaluer les sols pour limiter l’artificialisation

Mieux évaluer les sols pour lutter contre l’artificialisation

L’INRA et l’IFSTTAR ont restitué l’expertise scientifique collective (ESCo) sur l’artificialisation des sols le 8 décembre 2017, les deux instituts alertent sur un processus qui perdure et génère de nombreux impacts. Cette expertise intervient peu après l’évocation par le Ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, d’un objectif « zéro artificialisation des terres ».

Prise de conscience de l’importance de la protection des sols

Les sols rendent à l’homme de nombreux services écosystémiques parmi lesquels la production de biomasse (alimentation, matériau, énergie), la prévention des inondations (par l’infiltration), l’épuration de l’eau (par la filtration et la dégradation microbienne), l’atténuation du changement climatique (par le stockage de carbone), l’atténuation de l’îlot de chaleur urbain (par la rétention et l’évaporation d’eau), le support de la biodiversité et des paysages… La prise de conscience de l’intérêt des sols, et des menaces encourues par cette ressource, est croissante : en 2006, la commission européenne a publié un projet de directive cadre sol, en 2015 les ministères en charge de l’agriculture et de l’environnement ont proposé un cadre national pour la gestion durable des sols, en 2015 l’année internationales des sols a été proclamée par la FAO.

Les dégâts causés par la construction et l’aménagement

Ces sols auxquels nous devons tant font l’objet de différents processus destructifs d’origine anthropique (artificialisation, excavation, exploitation des sous-sols, érosion, pollution…). L’artificialisation correspond à la transformation d’un sol naturel ou agricole à un sol urbain imperméabilisé (bâti, infrastructure) ou sol urbain non imperméabilisé (parcs et jardins, agriculture urbaine en pleine terre). La plus grande part des sols artificialisés est imperméabilisée or les sols imperméabilisés ne rendent plus les services écosystémiques sus-cités. Malgré la mise en place de dispositifs[1] encadrant l’urbanisation, la France perd encore 50 000 ha par an de terres (principalement agricoles). La construction génère également des impacts aux différentes étapes du cycle de vie du bâtiment (parfois hors du site du bâti) : principalement lors de l’extraction des matériaux de construction, et lors des chantiers de construction (déplacements de terre, tassements, pollutions, mise à nu et érosion).  C’est ce que révèle l’état des connaissances des impacts du cadre bâti sur les sols, étude réalisée pour l’ADEME par le cabinet I Care & Consult.

Mieux évaluer les impacts potentiels pour limiter les impacts réels

A l’échelle de la planification, les SCoT[2]et PLU[3], cadrés par l’article L. 121-1 du Code de l’Urbanisme, prônent l’utilisation économe des sols tout en mentionnant la nécessité de préservation de leur qualité… Mais quels sont les outils au service des collectivités pour appliquer ces préconisations ? Depuis 2014, le règlement du PLU peut « imposer une part minimale de surfaces non imperméabilisées sur la base de l’indicateur « coefficient de biotope par surface ». Il évalue simplement et efficacement le niveau d’imperméabilisation mais ne considère pas la qualité du sol imperméabilisé. L’outil « uqualisol-ZU », encore au stade de développement, vise à évaluer la qualité des sols, de manière cartographiée sur le territoire de la commune, avec pour objectif d’orienter l’urbanisation prévu par le PLU vers les sols de moindre qualité. A l’échelle de l’aménagement, les études d’impacts prennent en partie en compte les impacts sur les services du sol liés à l’artificialisation des sols et les impacts de la phase chantier, mais la faible caractérisation initiale des sols les rend relativement incomplètes. A l’échelle du bâtiment, les labels BREEAM et LEED permettent la prise en compte de nombreux enjeux  sols. L’utilisation d’indicateurs précis permettrait d’objectiver la labellisation sur ces sujets. Enfin, l’ACV bâtiment offre l’espoir d’une prise en compte des impacts sur tout le cycle de vie du bâtiment néanmoins le sol et sa qualité ne sont en fait pas pris en compte.

Quid d’une taxe béton ?

Nicolas Hulot confiait en septembre être « en train de faire étudier une taxe sur l’artificialisation des sols » avant d‘édulcorer son propos. Julien Denormandie, secrétaire d’État à la Cohésion des territoires, a ensuite annoncé que le gouvernement prendrait « le temps de la réflexion » sur les moyens de lutter contre l’artificialisation des sols et a renvoyé le sujet en 2018, soit plusieurs dizaines de milliers d’hectare artificialisés plus tard… Il nous semble primordial de faire progresser le niveau d’évaluation des sols et que les outils de la construction, de l’aménagement du territoire prennent en compte la qualité des sols, le niveau de services rendus, et non seulement les mètres carrés ou cubes de sol. La « mesure » béton sera plus pertinente si elle est différenciée, c’est-à-dire si elle cible prioritairement les sols de grande qualité.

[1]  Loi Alur, 2014 ; loi Sas, 2015 ; loi biodiversité, 2016
[2] Schémas de Cohérence territoriaux
[3],Plans Locaux d’Urbanisme

Menu Principal