La transition alimentaire : enjeux d’une définition et d’une évaluation pour les acteurs du secteur agroalimentaire

La transition alimentaire : enjeux d’une définition et d’une évaluation pour les acteurs du secteur agroalimentaire

La ou les transitions alimentaires ?

Jusqu’à la dernière décennie, l’expression « transition alimentaire » faisait écho au concept de « transition nutritionnelle » et désignait principalement les mutations des secteurs de l’alimentation dans les pays en développement. Influencés par les modes de consommation occidentaux, et bénéficiant de nouvelles techniques agricoles et industrielles, de nombreuses sociétés ont vu leurs régimes alimentaires évoluer vers une augmentation de l’apport en calories des repas et une consommation accrue en sucres et produits d’origine animale. Si cette transition a eu pour bénéfice une relative diversification de l’offre alimentaire, elle a néanmoins une responsabilité dans l’émergence de problèmes d’ordres sanitaires et sociaux, tel le développement de l’obésité.

Plus récemment, en France, la remise en question de nos modèles alimentaires a pris de l’ampleur dans la sphère publique. Dégradation des écosystèmes naturels, développement de cancers, déséquilibres nutritionnels, déprise agricole sont autant d’évolutions imputées entre autres à nos consommations[i]. Face à ces menaces, il s’agit d’opérer une nouvelle transition alimentaire pour limiter les impacts négatifs de nos modes d’alimentation et tendre vers des systèmes plus vertueux.

Les enjeux associés ne font pas tous consensus 

La transition alimentaire peut se définir comme l’ensemble de changements à venir des habitudes de consommation et, parallèlement, des modalités de production. Un objectif général de durabilité est fréquemment mentionné au sein de la communauté scientifique et associative, une multiplicité d’enjeux sont associés à la transition alimentaire.[i] [ii],[iii],

Certains enjeux font l’objet de visions différentes. A titre d’exemple, si la proximité au producteur apparaît comme un critère de plus en plus important pour les classes moyennes supérieures, plusieurs spécialistes estiment que le local ne constitue ni une garantie de qualité ni de durabilité. Autre illustration : le maintien ou non de l’élevage fait débat. 

Il apparaît que la transition alimentaire est une vaste problématique et nécessite d’impliquer une grande diversité d’acteurs, de l’exploitant agricole au consommateur en passant par l’ensemble des acteurs de la chaîne agroalimentaire intermédiaires et les pouvoirs publics. L’analyse de leurs rôles et interactions se révèle donc essentielle pour appréhender la transition alimentaire dans son ensemble et concevoir des stratégies appropriées.

 

La chaîne de valeur agroalimentaire comme cadre d’évaluation de la transition

La chaîne agroalimentaire constitue un cadre d’analyse pertinent pour identifier les acteurs-clé de la transition alimentaire ainsi que leurs niveaux d’impact sur des enjeux sociétaux (santé publique, répartition de la valeur agricole, état de la biodiversité, gaspillage alimentaire…).

Cette chaîne est schématisée ci-dessous : les préoccupations des consommateurs remontent les différents maillons de façon plus ou moins directe, des intermédiaires étant mis de côté dans certains cas.

Une prise en considération croissante par les consommateurs et les pouvoirs publics

Le récent succès de la marque « C’est qui le patron ?! »[v], qui vise notamment à améliorer la rémunération des éleveurs et dont les prix sont déterminés par les consommateurs, témoigne du fort impact de ces derniers sur les chaînes de valeur. La demande croissante en produits plus respectueux de l’homme et de son environnement se retrouve par ailleurs dans plusieurs sondages d’opinion, dont celui mené en 2016 par Ipsos et la Fondation Daniel & Nina Carasso[vi] : 47% des sondés déclarent avoir augmenté leur consommation de produits à faible impact environnemental et respectueux du bien-être animal entre 2014 et 2016 ; 44% affirment avoir consommé davantage de produits garantissant un juste revenu pour les producteurs sur cette même période ; 63% sont prompts à écarter certains aliments de leur alimentation en raison de la teneur en sucres, sel ou matière grasse ; enfin, 61% se disent prêts à acheter des denrées alimentaires principalement dans des AMAP et marchés, qui sont pour eux gage de durabilité.

D’autre part, les Etats Généraux de l’Alimentation ont apporté un nouvel éclairage sur la prise en compte des enjeux de l’alimentation par les pouvoirs publics. Une évolution des réglementations et des politiques publiques liées à l’alimentation est attendue, à commencer par le projet de loi « Pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable », prochainement présenté à l’Assemblée Nationale.[vii]

Vers un référentiel de la transition alimentaire

Plusieurs acteurs de la chaîne agroalimentaire ont déjà exprimé leur souhait de prendre part à la transition alimentaire. C’est notamment le cas de Carrefour, dont le président-directeur général a récemment dévoilé son ambition de faire du groupe le leader de la transition alimentaire mondiale.[viii]

L’agriculture régénératrice, qui se veut plus respectueuse des sols, constitue désormais un axe central de la stratégie développement durable du groupe Danone en France.[i] L’entreprise de restauration Elior met quant à elle un point d’honneur à développer des filières respectueuses des écosystèmes marins et du bien-être animal.[x]

Il s’avère que les enjeux sélectionnés par les acteurs de la chaîne agroalimentaire ne regroupent pas l’ensemble des composantes possibles de la transition alimentaire. I Care & Consult souhaite dans ce contexte créer un référentiel de la transition alimentaire, co-construit avec des experts, pour permettre aux entreprises de se positionner et leur proposer des plans d’action concrets.

Ce référentiel, ainsi que ses applications, feront l’objet d’une prochaine publication d’I Care.

[i]] « Régime alimentaire, nutrition et prévention des maladies chroniques » [en ligne]. Rapport d’une consultation OMS/FAO d’experts OMS, Série de rapports techniques; 916. Disponible sur http://www.who.int/dietphysicalactivity/publications/trs916/summary/fr/

[ii] « Construire ensemble une alimentation durable » [en ligne]. Fondation pour la nature et l’homme, 2017. Disponible sur http://www.fondation-nature-homme.org/magazine/alimentation-durable-quels-enjeux/

[iii] Pech T. et al., « La viande au menu de la transition alimentaire : enjeux et opportunités d’une alimentation moins carnée » [en ligne]. Terra Nova, 2017. Disponible sur http://tnova.fr/rapports/la-viande-au-menu-de-la-transition-alimentaire-enjeux-et-opportunites-d-une-alimentation-moins-carnee

[iv] « Pour une nouvelle transition alimentaire » [en ligne]. Le Monde, 2015.
Disponible sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/04/28/pour-une-nouvelle-transition-alimentaire_4624395_3232.html

[v] Article de Novethic du 5 février 2018 « C’est qui le patron ?! est le plus gros succès pour une nouvelle marque depuis 30 ans » [en ligne]. La marque du consommateur, 2018.
Disponible sur https://lamarqueduconsommateur.com/cest-qui-le-patron-est-le-plus-gros-succes-pour-une-nouvelle-marque-depuis-30-ans-soutienauxproducteurs-lepatroncestleconso/

[vi] « Alimentation durable : les Français de plus en plus attentifs à ce qu’ils mangent » [en ligne]. Ipsos, 2016. Disponible sur https://www.ipsos.com/fr-fr/alimentation-durable-les-francais-de-plus-en-plus-attentifs-ce-quils-mangent

[vii] Assemblée Nationale, Projet de loi n° 627, « Projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable, présenté par M. Stéphane Travert », 1er février 2018. Disponible sur http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl0627.asp

[viii] « La transition alimentaire est en marche, Carrefour est au Rendez-vous des nouvelles exigences des consommateurs » [en ligne]. Carrefour, 2018. Disponible sur http://www.carrefour.com/fr/actualites/la-transition-alimentaire-est-en-marche-carrefour-est-au-rendez-vous-des-nouvelles

[ix] « Danone prend trois engagements forts en France pour offrir plus de choix aux consommateurs et favoriser une agriculture régénératrice » [en ligne]. Danone Corporate, 2018. Disponible sur https://corporate.danone.fr/uploads/tx_bidanonepublications/DanoneAct_doc.reference.pdf

[x] « Développer des filières durables » [en ligne]. Elior, 2018. Disponible sur https://www.elior.fr/nos-engagements-rse/ingredients-durables/developper-des-filieres-durables

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