La lutte contre l’artificialisation des espaces naturels et agricoles et la reconquête des espaces de biodiversité partout où cela est possible sont deux objectifs poursuivis par le « Plan biodiversité » dévoilé cet été. Ce plan va même jusqu’à fixer l’objectif de zéro artificialisation nette, qui implique une révision des politiques d’urbanisme et d’aménagement vers plus de sobriété en matière de consommation d’espace, ainsi qu’une amélioration de la mise en œuvre de la séquence éviter-réduire-compenser.
La priorité est bien sûr d’abord d’éviter et réduire car il y a fort à faire. En effet, la croissance de la population qui est un des facteurs principaux de l’artificialisation n’explique pas tout. D’après l’étude du Commissariat général au développement durable (CGDD)[1][2] sur l’artificialisation des sols publiée le 12 octobre 2018 : les surfaces bâties et revêtues ont crû depuis 1980 trois fois plus vite que la population. Le rapport identifie notamment trois situations préoccupantes : (i) 73% des espaces consommés se situent dans des communes en zones non tendues pour l’accès au logement, (ii) 37% se situent dans des communes où le taux de vacance augmente deux fois plus vite que la moyenne nationale, (iii) 21% dans des communes dont la population décroît. Cette situation est en partie le fruit de politiques environnementales et du logement difficilement conciliables, en témoigne la loi ELAN[3] entérinée par le Sénat le 16 octobre dernier qui a vocation à faciliter la construction.
Il est ainsi fort probable que l’artificialisation se poursuive encore quelques années, c’est pourquoi il est primordial de réfléchir aux modalités de la compensation pour atteindre le zéro artificialisation nette dès maintenant, et notamment à la désartificialisation ou la renaturation de sites dégradés ou fortement artificialisés.
L’artificialisation des sols consiste à transformer un sol naturel ou agricole en un sol soit recouvert par bâtis ou infrastructures (sols imperméabilisés), soit en un sol de parcs ou jardins. S’il paraît difficile de revenir à un sol naturel, ou à un sol agricole à grandes capacités agronomiques à partir d’un sol artificialisé, on peut néanmoins envisager un certain niveau de désartificialisation. Il pourrait s’agir de désimperméabiliser par le retrait de surfaces imperméables (ex : bitumes, dalles, …), dépolluer, apporter de la terre végétale, transformer, ou reconstruire un sol (profond, organisé en horizons[4], …). Dans tous les cas, l’opération a vocation à récréer, restimuler les services d’un sol non artificialisé comme la production de biomasse, l’épuration et l’infiltration des eaux et donc prévention des risques inondations, la réduction d’îlots de chaleur, le support de la biodiversité. La desimperméabilisation peut concerner des surfaces petites (ex : pied d’arbre en ville), plus grandes (ex : des bandes, des berges, des routes) ou très grandes (parking, parcelles). De nombreuses villes ont par exemple désimperméabilisé et réenherbé leurs cimetières (ex : Montreuil, Versailles, Rennes, Courdimanche)[5]. Strasbourg, capitale de Française de la biodiversité 2014, a mené de nombreuses actions de desimperméabilisation par le réaménagement de places, rues, berges et l’installation de jardins, d’enherbements… L’action 11 du Plan biodiversité, vise d’ailleurs à soutenir d’ici 2020, 10 projets innovants ou démonstrateurs en matière de désartificialisation ou renaturation.
Poursuivre l’objectif de zéro artificialisation nette pose la question de l’évaluation de l’artificialisation et de la désartificialisation. L’utilisation d’indicateurs simples est tentante. Le coefficient de biotope par exemple, introduit dans la loi Alur, permet d’approcher efficacement une valeur du niveau d’imperméabilisation d’une surface. Il masque néanmoins la complexité des sols et des services qu’ils peuvent rendre, et est donc limité dans la prise en compte de la variabilité des niveaux d’artificialisation des sols. Une approche par l’évaluation des services écosystémiques des sols pourrait être envisagée, elle pose cependant de nombreuses questions méthodologiques. Pour de nombreux services, il n’existe pas d’indicateur d’évaluation évident. L’utilisation d’un indicateur intégrant plusieurs services pose notamment la question du choix des services à intégrer. De plus, la valeur d’un sol et de ses services ne dépend pas uniquement de ses caractéristiques intrinsèques mais également du contexte, des sols connexes et de leurs usages, de l’exposition aux habitants, et pour certains services de la subjectivité des usagers. Si l’objectif de zéro artificialisation nette est désormais fixé, les méthodes d’évaluation de l’artificialisation et de la désartificialisation des sols et donc les outils pour atteindre l’objectif restent à déterminer. I Care & Consult travaille activement sur le développement de ces méthodes et outils.
[1] Objectif « zéro artificialisation nette » Éléments de diagnostic – octobre 2018
[3] Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique
[4] Horizon (n.m.) : couche de matériau de sol, approximativement parallèle à la surface de la terre. Il diffère des horizons adjacents par ses propriétés comme la couleur, la structure, la texture, la composition chimique, biologique et minéralogique.
[5] Conception et gestion écologique des cimetières – natureparif – Région île de France – http://urlz.fr/7ucZ