L’équipe d’I Care & Consult a assisté la semaine dernière à la pièce « Melone Blu ». Nous en avons profité pour poser quelques questions au créateur et metteur en scène de la pièce, Samuel Valensi.
Peux-tu nous présenter brièvement ton parcours et nous expliquer pourquoi avoir choisi ce thème ?
Je suis diplômé de HEC Paris et licencié de Philosophie à la Sorbonne et j’ai fondé ma compagnie, La Poursuite du Bleu, en 2014. Avant cela j’ai assisté Philippe Tesson, Stéphanie Tesson et Charlotte Rondelez à la production du Théâtre de Poche, et j’ai travaillé en tant que comédien et compositeur pour plusieurs pièces de théâtre. Depuis 2016, je suis enseignant en « production du spectacle vivant » à HEC Paris ainsi qu’à l’ICART et dirige la création de la start-up Pitchy. « L’inversion de la courbe » était ma première écriture et mise en scène. C’est avec la même équipe agrandie que nous créons « Melone Blu ».
J’ai choisi de traiter de l’écologie par le biais du théâtre parce que nous sommes dans une situation urgente et parce que j’ai l’intime conviction que les fictions ont un rôle très important à jouer dans la transition qui s’annonce. Je suis tout simplement certain que les récits changent le monde comme ils changent le cours de nos vies. Serions-nous allés sur la lune sans les imaginaires d’Hugo, de Méliès ou d’Hergé ? Pourrait-on trouver un emploi sans le récit cohérent de notre parcours ? Pourrions-nous nous rendre à un entretien sans avoir été séduit par l’histoire d’une entreprise ? Et travaillerions-nous pour autre chose que l’argent, qui est certainement la fiction la plus communément partagée ?
Par quels moyens avez-vous pu réduire l’impact environnemental du spectacle ?
Avec la compagnie, au-delà d’un spectacle, nous concevons un ensemble, estimant que le simple fait d’éveiller les consciences n’est plus suffisant. Nous avons donc pensé un tout se déployant dans les diverses dimensions de notre travail, de la création à la production.
Melone Blu a donc un impact social et environnemental qui dépasse le cadre même du lieu de représentation avec des actions à différentes échelles ayant des effets concrets pour le climat, la biodiversité et la préservation de l’environnement sous toutes ses formes :
– La billetterie replante des milliers d’arbres sur un dispositif innovant développé en partenariat avec Reforest’action ;
– Le spectacle finance des formations à l’agro-écologie via un partenariat avec l’association Fermes d’Avenir ;
– Les billets du spectacle peuvent être utilisés comme monnaie locale dans un réseau de partenaires franciliens revendeurs de produits locaux et biologiques ;
– A la suite des représentations sont organisés des débats théâtralisés entre les spectateurs, des spécialistes reconnus des questions environnementales proposant des solutions concrètes et les personnages de la pièce incarnés par les comédiens.
Nous avons aussi changé notre manière de créer pour être en mesure de porter un tel message :
– La scénographie et les costumes n’utilisent que des matériaux bio-sourcés, récupérés ou recyclés ;
– Aucune matière plastique n’a été utilisée au cours de la création ;
– Tous les trajets de la compagnie sont compensés par de la plantation d’arbres ;
– Tous les supports de communication et toutes les impressions nécessaires au travail de la compagnie doivent être bio-sourcées, biodégradables voire utilisables comme semences biologiques ;
– Lors de ses résidences, la compagnie adopte un régime alimentaire biologique et de saison.
Comment le théâtre pourrait-il contribuer à la création d’un nouvel imaginaire écologique ?
Je suis intimement persuadé que, lorsqu’une société aspire à changer, elle a besoin de récits plus que de rapports. J’ai été à jamais marqué par une sublime phrase de Bachelard : « le monde est beau avant d’être vrai ».
La plupart de nos décisions se prennent avec l’hémisphère gauche de notre cerveau et les récits ont cette capacité à mobiliser, à émouvoir, à nous mettre à la place de l’autre. J’ai passé ces deux dernières années à explorer ces limites, à lire les rapports, à rencontrer les experts. J’ai bouleversé mes habitudes. J’ai traversé tous les états : le pessimisme consterné face à l’ampleur des dégâts, l’optimisme béat face au courage de ceux qui œuvrent à inverser la tendance.
Aujourd’hui, je suis croyant. Je ne sais pas si la culture seule peut nous aider à vaincre l’inertie mais, en croyant, j’essaie. Parce que les fictions changent le monde.
« Melone Blu » est à l’affiche du Théâtre 13 du 3 au 22 septembre. Pour en savoir plus et réserver : http://www.theatre13.com/saison/spectacle/melone-blu